Spécialiste reconnu de l’e-commerce, Yann Rivoallan, cofondateur de The Other Store, nous livre son
analyse sur les perspectives des commerçants français pour ces fêtes de fin d’année dans un contexte
explosif de crise sanitaire et économique et de boom sans précédents du e-commerce suite au confinement.
Comment émerger sur le web en cette fin d’année, en plein boom du e-commerce ?
La principale difficulté est l’existence d’une offre pléthorique face à une consommation qui baisse.
Cette crise que nous traversons est historique, elle complique beaucoup les choses pour tout le
monde. Les clients achètent moins, ils cherchent des promotions. Pour la majorité des e-commerçants, cela entraîne une pression sur la marge. Beaucoup de marques vont fatalement disparaître. Ceux qui proposeront le produit le plus désirable avec la meilleure qualité de service survivront.
Mais comment générer du trafic sur le web dans ce contexte de concurrence renforcée par les fêtes ?
Il faut se poser les bonnes questions. Comment diffuser des images qui donnent envie ? Comment
faire un site qui soit beau, agréable à parcourir quel que soit le device ? Comment créer du désir ? À
travers le manque, avec une offre qui dure peu de temps ? À travers la proximité, grâce à l’instagrameuse qui vous parle directement ? À travers les expériences que l’on propose à ses clients,
comme une séance de yoga en visio pour les aider à prendre soin de leur corps ?
C’est le métier même de commerçant qui change…
Un commerçant sur le web est également un média. Ce n’est plus qu’une boutique. L’e-commerce
est un métier à part entière, cela ne s’improvise pas. Le web impose un changement énorme comparé au retail physique : le commerçant n’est plus en contact avec son client. Tout le contact humain doit être remplacé par une conception très poussée de l’interface afin de générer du désir et de répondre aux besoins. Pour schématiser, avant, si on disposait du bon produit et du bon concept, il suffisait d’ouvrir sa boutique dans l’artère la plus fréquentée pour avoir du monde. Sur internet, quand on ouvre une e-boutique, on n’est nulle part ! Comment alors faire en sorte que les gens aient envie de venir la visiter ?
Les commerçants français étaient-ils prêts pour répondre aux besoins générés par le confinement ?
Il y a trois grandes catégories de commerçants en France. Tout d’abord, ceux qui ont très bien
compris le web. Juste avant la crise, le digital assurait entre 25 % et 30 % de leur chiffre d’affaires.
Dans la mesure où nous aurons une croissance d’au moins 100 % cette saison dans l’e-commerce en
France, les commerçants de cette première catégorie tireront très bien leur épingle du jeu cet hiver.
Pour peu que ces acteurs surperforment, ils compenseront en partie les recettes perdues avec la
fermeture de leurs boutiques physiques. Les DNVB [Digital Native Vertical Brand] vont de leur côté
rejoindre la cours des grands en termes de notoriété et de chiffres d’affaires.
Les deux autres catégories d’e-commerçants survivront-elles au confinement ?
La majorité des commerçants en France n’obtenaient qu’entre 5 % et 10 % du web avant la crise sanitaire. Pour ces derniers, même avec un hypothétique 200 % de croissance, la perte sera énorme cette année. Enfin, pour ceux qui ne faisaient rien, le retard est tel que leur disparition est à envisager du fait de la crise affrontée cette année, surtout dans un contexte où les périodes de confinement peuvent devenir une nouvelle normalité. Je pense notamment aux nombreux libraires qui avaient tous les outils à leur disposition pour se lancer dans l’e-commerce et qui n’ont rien fait de coordonnés depuis 26 ans, c’est-à-dire depuis la création d’Amazon. Il est plus que jamais temps de rentrer dans l’ère du digital et de fonctionner unis face à l’adversité.
À vous lire, on doit considérer que le confinement a définitivement achevé la bascule vers le numérique…
Le confinement a introduit une logique complètement inverse à celle qui était encore en vigueur.
Pour ceux qui ont pu se lancer les quinze premières années du web, le seul souci était de trouver des
clients susceptibles de vouloir acheter sur internet. Les obstacles étaient nombreux à l’époque :
réticence à l’achat en ligne, taux d’équipements bas, connexion limitée, etc.
Les freins d’il y a vingt ans n’existent plus : quasiment tout le monde dispose du haut débit et d’un
smartphone, et pour la jeune génération acheter en ligne c’est avoir un maximum de plaisir (finie la
queue pour essayer, l’offre est beaucoup plus complète, on peut comparer facilement les prix…).
Avec le confinement, le web est devenu le levier le plus naturel pour le commerce. On ne pouvait plus aller en boutique et même lorsque c’est à nouveau possible, cela reste inquiétant pour des raisons sanitaires mais aussi psychologiques. La problématique n’est plus d’être visible dans le désert mais de s’en sortir en forêt tropicale. On attend de la part des e-commerçants une exécution parfaite.
La recette d’un bon e-commerce est-elle finalement dans la qualité de l’offre, de l’expérience utilisateur et des services ?
Pas uniquement. Les commerçants doivent comprendre qu’il y a de nombreux types d’e-commerce.
Il y a le site, l’e-boutique, la marketplace et le social commerce. L’exigence de cohérence existe aussi
dans l’univers online. Il faut par conséquent bien choisir sa catégorie. C’est pareil dans le monde physique : à part quelques exceptions, une boutique sur les Champs-Elysées ne vendra pas ses produits chez Carrefour.
Pouvez-vous nous résumer The Othe Store en quelques chiffres ?
The Other Store existe depuis dix ans maintenant. L’agence a permis à de très nombreuses marques
de se lancer sur net à l’époque où l’e-commerce était à ses prémisses. Depuis, elles se sont beaucoup
développées et nous sommes passé à un métier de service à la carte, de la conception du e-commerce à la gestion de la logistique et du service client. Nos 90 collaborateurs accompagnent une trentaine de marques. Nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 40 millions d’euros en 2019.
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